NOTE ARTISTIQUE ET
TECHNOLOGIQUE
HUGO VERLINDE
BOREAL / Installation
Comportementale /Ordinateur, écran plasma, webcam
« Boréal » se présente sur un écran plasma, et
possède un capteur de mouvement.
Boréal représente un soleil caché et ce que l'on
voit c'est le hors champs de la vie d'un soleil. Il y a une activité solaire.
Lorsque l'on est attentif à ce qui est présent sur
l'écran, soit on a affaire simplement à un ciel étoilé, le soleil n'est donc
pas présent, soit on a un orage magnétique sans couleur, rapide, qui se déverse
dans l'écran quand il y a beaucoup d'agitation dans la pièce.
Par moment l’oeuvre délivre autre chose, « l'état boréal », ce sont davantage des «
caresses célestes », des vagues chromatiques qui tombent dans le ciel et qui
rentrent dans l'espace. Ici, on rentre dans une relation intime et personnelle
avec la pièce. Avec un soleil à l'arrière plan, on tisse une relation entre
nous et ce soleil qui est vivant.
« L'état boréal » arrive suite à une relation
active, il faut solliciter la pièce dans une certaine durée avec une intention
pour qu'elle bascule dans cet état. Mais la pièce ne se révèle en réalité que
peu souvent. L'idée est de placer un capteur directement sur le lit du patient
pour qu'il puisse se rendre compte à son réveil que l’oeuvre vit.
Exposer dans une chambre de réanimation n'est pas
banal, c'était une première pour Hugo VERLINDE de se confronter à cette
situation, d’amener une de ses œuvres dans le cadre hospitalier.
Suite à la première rencontre avec le personnel
soignant, des questions non pas esthétiques mais éthiques se sont posées. Pour
Hugo VERLINDE, c'était la première fois qu'il se confrontait à ce genre de
questionnement. Est-ce que cette oeuvre peut faire peur? Est-ce que cette œuvre
pouvait faire du mal? Il a fallu prendre en compte ces nouvelles
problématiques, dans le cadre précis d'une personne entre la vie et la mort.
Pour répondre à cela, l'artiste a créé une première
phase, un ciel étoilé, une phase où les photons bougent à peine, très calmes,
paisibles lorsque l’oeuvre n'est pas sollicitée, elle est tranquille, et c'est
à peine si on la voit bouger. Donc à priori elle n'effraie pas.
D'après Hugo, la limite de son oeuvre dans le
cadre hospitalier se situe dans l'intention qu'il porte à sa création. Les
intentions ne sont pas les mêmes dans la création d'une oeuvre d'art
contemporain et de l'art thérapie. Dans l'art thérapie, ce qui compte c'est le
patient, son bien-être, sa guérison alors que dans une oeuvre numérique ce qui
compte avant tout c'est la pièce elle-même, son identité, son mode d'être et sa
relation à son environnement. Même si « Boréal » répond quand même à des particularités
du lieu : l'hôpital. Finalement, l'artiste et le personnel de l'hôpital
ont pensé une oeuvre ensemble, elle devient un projet collectif.
L'originalité de ce projet est le côté
expérimental et le fait d'avoir une oeuvre d'art comportementale dans un lieu
inhabituel. L’idée est née il y a deux ans, suite à la demande de l'hôpital
d'Annecy qui souhaitait créer une oeuvre pour ses nouveaux espaces. C'est le Dr
Sirodot, chef du service de réanimation qui en a fait la demande à Art dans la
Cité. Ce fut une demande très spécifique puisqu'il souhaitait une oeuvre pour
accompagner le patient dans la phase de réveil après un coma.
Pour Art dans la Cité, ce fut une tâche difficile,
car il fallait trouver une création artistique qui puisse répondre à cette
demande spécifique et la satisfaire. L'équipe d’Art dans la Cité s'est
longuement entretenue avec le Dr Sirodot pour comprendre les attentes de
l'hôpital, les contraintes d'une chambre de réanimation, la situation du
patient en phase de réveil, le contexte, etc. Après cela, l'association a mis
en place un cahier des charges et l'a diffusé auprès des artistes. Plusieurs
projets ont été proposés à l'hôpital et « Boréal » d'Hugo Verlinde fut retenu.
Après le développement artistique et technique,
les recherches et essais effectués par l’artiste, le technicien du Cube et le
service, entre juin et novembre 2011 ; L’œuvre a été installée le 23
novembre 2011, dans la Chambre 51 du service de réanimation de l’hôpital
d’Annecy.
Un écran plasma 42’ et son pied, une webcam et un
ordinateur.
Une trentaine de patients en ont bénéficié
jusqu’en Juin 2012.
Durant le suivi et l’évaluation de l’oeuvre «
Boréal » à l'hôpital d'Annecy, l'intérêt était de savoir ce qu'une œuvre d'art
apporte dans l'espace d'un hôpital ? Qu'est-ce que cela transforme dans les
espaces de l'hôpital? Quel sens peut donner une oeuvre d'art à des espaces qui
en sont la plupart du temps dépourvus? L'évaluation la plus simple et la moins
intrusive est la forme du questionnaire ou de l'interview. Il s'agit donc plus
d'une évaluation qualitative.
Les patients, les visiteurs et le personnel ont
été consultés.
« Boréal »
est une oeuvre interactive, on s'intéresse donc aussi à son développement dans l'environnement
qu'elle intègre. Ce que « Boréal » propose est une expérience qui peut amener
les patients à prendre conscience de leur environnement, du lieu et de la
réalité. Le mouvement du patient transforme l’oeuvre et transforme
l'environnement ce qui lui permet peut être de prendre la mesure de la réalité,
de sortir doucement du coma. C'est un projet expérimental. L'oeuvre se présente
aussi et avant tout par sa matérialité, elle possède un bouton on-off, on peut
l'éteindre et la rallumer.
Depuis qu'elle est installée, il est arrivé qu'on
demande de l'éteindre, c’est une présence, elle peut aussi être perçue comme
« gênante ou dérangeante ».
Puisque c'est une oeuvre mouvante qui se
transforme avec le mouvement, cela peut créer chez le patient une
déstabilisation, un trouble ou un malaise. Quand on sort d'un coma, on a envie
de voir des choses stables et être confronté à « Boréal » peut créer un
malaise. Le personnel de l'hôpital a déjà demandé d'éteindre l’œuvre. Mais ce
sont les mêmes raisons qui peuvent conduire le patient à demander de fermer la
fenêtre ou de baisser les stores.
Une autre question se pose aussi : « dans
l'imaginaire européen et dans beaucoup de cultures, les étoiles, c'est aussi le
ciel et cela peut aussi rappeler la mort.
Mais la présence de l’oeuvre transforme aussi
l'espace intime de la chambre qui devient un lieu de Vie. Cela peut-être positif pour le patient.
C’est une présence, elle accompagne le patient, elle lui tient compagnie et vit à ses côtés les étapes de son réveil.
C’est aussi une présence affective pour les proches du patient qui passent du temps à ses côtés. Rassurer, accompagner, aider aussi et apporter un souffle, une présence délicate et subtile sensible aux mouvements dans la pièce, tel est bien le rôle entretenu par Boréal.
C’est une présence, elle accompagne le patient, elle lui tient compagnie et vit à ses côtés les étapes de son réveil.
C’est aussi une présence affective pour les proches du patient qui passent du temps à ses côtés. Rassurer, accompagner, aider aussi et apporter un souffle, une présence délicate et subtile sensible aux mouvements dans la pièce, tel est bien le rôle entretenu par Boréal.
DESCRIPTION des
états de BOREAL
Premiers temps : Un
ciel étoilé. C’est d’abord sous la forme d’un ciel étoilé que l’installation se donne
à voir. Quelques dizaines ou centaines d’étoiles prises dans un mouvement à
peine perceptible. Vues d’ensemble et vues détaillés se succèdent… Confronté à
l’immobilité de l’espace, seule la sphère des fixes se dévoile.
Deuxième temps : une réaction vive. L’oeuvre
est consciente d’une présence et le manifeste. Sensible aux mouvements d’une
personne ou d’un groupe de personnes entrant dans la pièce, l’installation va
rapidement changer d’état. Venu d’au-delà du cadre, un flux intense de
particules inonde le cadre de l’installation. Dans ce flot rapide, presque
frénétique, on distingue par endroits des bourrasques plus intenses que
d’autres. Des ondées structurées et vigoureuses traversent l’espace. Elles
donnent l’impression d’envahir toute la pièce…
Troisième temps : le test. A cet instant,
l’installation est particulièrement attentive à la réaction qui va suivre. Le
patient est-il immobile ? Dans une contemplation un peu figée ? Ou au contraire
inattentif et occupé à tout autre chose ? Ou encore, tente-t-il de s’agiter en
tout sens face à l’oeuvre dans l’espoir d’obtenir une réponse immédiate ?
L’oeuvre scrute de son regard et ne tarde pas à réagir.
Confrontée à la contemplation et à l’immobilité, l’ondée lumineuse cesse bien
vite. Le flot de particules se tarit et voilà à nouveau le premier tableau,
celui des étoiles immobiles.
Confrontée à un mouvement quelconque ou chaotique, l’installation retournera
également à son état initial.
A ce stade, l’installation Boréal nous teste et nous invite à inventer tout
autre chose… A coup sur ce n’est pas l’immobilité qui est attendue de nous et
encore moins l’agitation.
Quatrième temps : l’état Boréal
L’expérience à mener se situe entre ces deux écueils. L’installation invite
le spectateur à s’engager mais au-delà de l’immobilité ou de l’agitation.
En persévérant, il
peut commencer à percevoir que l’installation est davantage sensible à des
mouvements considérés par elle comme cohérents. Mouvement de balancier du
corps. Main en mouvement dans l’espace. Hochement doux et régulier de la tête…
Ici un tout autre état se déploie. Les flots de particules se font plus calmes.
Le regard plonge plus loin dans l’espace. Au-delà du blanc, des ondées de couleur
bleue nuit deviennent visibles.
L’état Boréal s’amorce. Des tableaux amples, lents, cohérents se mettent en
mouvement. Quelque chose de l’ordre d’un message céleste se fait entendre.
Une caresse lumineuse et mystérieuse pénètre dans la chambre par cette fenêtre
qu’est devenu l’écran. Un état de communion s’installe entre l’oeuvre et la
personne présente.
Il peut s’agir d’une personne de l’équipe médicale comme d’une personne de la
famille du patient comme du patient lui-même.